samedi 6 juillet 2013

La Guerre de Corée Partie 3 : La DMZ , ou petites balades en Corée du Nord


Suite et fin des message sur la Guerre de Corée, avec la visite de la fameuse DMZ !

Depuis l'armistice de 1953, les 2 Corées sont toujours séparées par une frontière quasi-hermétique, tout le long de la péninsule.


La délimitation choisie fut celle correspondant à la ligne de front, et se situe à peu de chose près à la hauteur du 38ème parallèle, sur 238 km de long.

La frontière s'accompagne de part et d'autre d'une "bande" de 4 km de large dans lesquelles aucune force armée n'est autorisée à l'exception des gardes frontières. Cette bande s'appelle la "Zone Démilitarisée", ou DMZ.

La frontière se trouve seulement à.... 20 km au Nord de Séoul, ce qui fait vraiment un mélange curieux entre la modernité de la Capitale et ce reliquat de la Guerre Froide.

En effet, la Chute du Mur de Berlin et l'effondrement de l'URSS en 1989 ont brutalement isolé la Corée du Nord de ses clients et fournisseurs "classiques", et au contraire de la Russie, le Régime de Pyongyang, déjà totalement paranoïaque, s'est totalement coupé du monde, Kim-Il Sung et sa clique craignant à juste titre de subir le même traitement que Nicolae Ceausescu en Roumanie  (cad de finir avec 3 chargeurs dans le buffet...)

En réalité, cette frontière est bel et bien la plus militarisée du monde, avec miradors, champs de mines, postes d'observation, fortifications, bunkers et souterrains des 2 côtés.




Pour l'anecdote, la DMZ est devenue, par absence de présence humaine, une des plus riche zone de biodiversité tempérée de la planète, car les forêts et la vie sauvage se sont très bien adaptés à ce gigantesque corridor artificiel.

 La "zone bleue" correspond à la DMZ (La densité de population Nord Coréenne est totalement fantaisiste)

Les Hérons, Canards sauvages et autres volatils apprécient grandement les champs de mines

Mais ce n'est pas parce qu'un conflit nucléaire peut éclater entre le Nord et le Sud que ça arrêtera le business ! Cette frontière est devenue avec le temps une gigantesque attrape-couillons attraction touristique, avec de nombreux tours organisés.

Sur les conseils de Marion, nous voici donc Paul et moi embarqué dans un tour organisé au départ du grand hôtel où Marion travaille, en compagnie d'autres touristes Américains et Japonais., pour aller visiter la "Joint Security Area", seule zone où les 2 Corées sont effectivement en contact.

Le tour ne se pratique qu'en autocar, il faut montrer patte blanche, car on entre dans une zone administrée par l'ONU, et les Sud-Coréens deviennent particulièrement paranoïaques sur tout ce qui touche à leurs voisins du Nord.
En particulier, avant d'arriver, il faut passer plusieurs contrôles :
- Le premier par les Sud-Coréens
- Le second par les soldats de l'ONU (de facto les USA)

Ces grosses "fortifications" au dessus des routes et des voies ferrées sont des énormes blocs de béton armé, sensés chuter facilement et bloquer les voies en cas d'invasion. Ambiance.
Il est interdit de prendre en photo les abords immédiats de la frontières et de la partie situé au delà du fleuve Han jusqu'à la JSA, du coup je chipe des images sur Internet pour s'en rendre compte.

Le dernier pont jusqu'à la JSA, et la fin de la "Freedom Highway" (image tirée d'internet)





Les lieux sont un peu ubuesques, car des anciennes fortifications et zones de barbelés d'il y a 50 ans se mélangent avec des caméras de surveillances les plus modernes, le tout surveillant de larges ...zones naturelles, terrains vagues et rizières.

Pour ajouter au côté loufoque, Il y a 2 villages situés dans la DMZ au Nord de Séoul :

- le village Sud Coréen de Daeseong-Dong (à droite), où vivent quelques centaines d'agriculteurs, grassement subventionnés par le gouvernement Sud Coréen juste pour faire acte de présence,

- et surtout le "village fantôme" Nord-Coréen de Kijong-Dong situé juste en face, qui est totalement artificiel et uniquement destiné à la propagande, et montrer la "qualité de vie" Nord-Coréenne. Il n'y avait pas d'habitants pendant longtemps (les fenêtres n'ayant jamais été posées )

Les 2 villages sont surmontés chacun d'une grande tour (160 mètres côté Nord-Coréen...), sur lequel est accroché un gigantesque drapeau. Le plus grand revenant au Nord -Coréen, et qui détenait jusqu'à peu le titre de plus grand drapeau flottant du monde (bien que beaucoup trop lourd pour flotter...)




Officiellement, un seul poste-frontière est "ouvert" en temps normal, celui de la "Joint Security Area" (JSA). Avant d'y accéder, on doit signer une décharge, signalant que l'on renonce à toute poursuite des gouvernements Sud-Coréens, Américains ou de l'ONU en cas d'incident, et que l'on doit avoir une tenue et une attitude correcte, afin de ne pas donner de grain à moudre à la propagande Nord-Coréenne.
La JSF est une zone de quelques hectares seulement, administrée conjointement par les 2 Corées et l'ONU. C'est le seul point de rencontre lors des négociations, qui se compose principalement de 2 bâtiments principaux se faisant face à face, et de 5 baraquements situés exactement à cheval sur la frontière.







Toute la journée, les gardes frontières Sud-Coréens et Nord-Coréens se regardent. Aux jumelles.

Il y a des poste de garde de partout, les Nord-Coréens surveillant les Sud Coréens et vice versa, le tout surmonté de toutes les version possible des caméras de surveillance.





Les négociations ont lieu à l'intérieur, une grosse table en bois étant posée en plein milieu de la démarcation.


On peut renter et "faire le tour" de la table de négociations (qui n'a jamais aussi bien porté son nom...), à condition de fermer la porte de l'autre côté (les Nord Coréens organisent AUSSI des visites, du coup chaque partie ferme alternativement la porte.

Au dehors, on peut "admirer" la petite dalle de béton symbolisant la Frontière...

Et en Exclusivité : Paul en Corée du Nord !!!! 

(ok, pendant 2 Minutes, mais quand même !)

Quant à moi, j'ai fait risette avec l'officier de garde :
(quand je disais que ça tournait au Disneyland ce conflit....)

En repartant, nous nous arrêtons un instant sur une stèle à la mémoire de "l'Incident du Peuplier" : jusqu'aux années 70, les Nord-Coréens devaient passer temporairement par la partie Sud de la JSF pour accéder à leurs bâtiments, en passant par un petit pont d'une cinquantaine de mètre, appelé le "Pont de Non-Retour".



Un Peuplier gênait la vue des gardes Sud-Coréens et Américains sur le pont. Ces derniers décidèrent de couper cet arbre contre l'avis des Nord-Coréens, ce qui provoqua une bagarre violente entre les gardes à coup de haches, qui fit 1 mort et une dizaine de blessés

Cet "incident" provoqua une crise diplomatique, et démontra que un conflit pouvait commencer même pour des motifs futiles.

 Les Nord-Coréens abandonnèrent le petit pont et construisirent un autre pont de leur côté en seulement 72 heures.

Le "Pont de Non-Retour" est toujours en place, bien qu'abandonné. Il fut utilisé pour des échanges de prisonniers.

 



Le clou de la visite est évidemment... le passage par la boutique souvenir ! Alors là on touche vraiment le portnawak du merchandising, avec d'authentiques bouts de ... barbelés de la DMZ à ramener chez soi ! (très tendance à Auschwitz ou dans un Goulag...)

Des drapeaux, des T-Shirt, des insignes , des treillis...
toutes les tailles, même pour les enfants !

Et retour à l'hotel...


Et la Corée du Nord dans tout ça ?

Le régime Nord-Coréen vivant encore en totale autarcie vis-à-vis du reste du monde, il n'y a quasiment aucun échange physique ou matériel entre les 2 Corées, à l'exception notable de la zone industrielle de Kaesong, créée de toute pièces par le gouvernement Nord-Coréen (et financée par le Sud...) pour attirer des entreprises Sud-Coréennes.
Kaesong est une ville surtout connue pour sa zone industrielle, créée en 2003 par Kim-Jong-Il, à seulement 7 km de la frontière.
A l'origine, cette zone d'activité fut bâtie pour accueillir 700 000 (!) travailleurs Nord-Coréens et plus de 300 industries, bien qu'au maximum des activités, "seulement" 40 000 travailleurs et 120 sociétés y étaient effectivement présents.

Bien que fermée unilatéralement par le nouveau dictateur Nord-Coréen Kim Jong Un récemment, Kaesong représente une véritable bouffée d'oxygène pour le régime Nord-Coréen avec plusieurs centaines de millions  de rentrées de devises par an, et une manière pour l'industrie Sud-Coréenne de disposer d'une main d'œuvre à vil prix , sans risque de fuites de savoir-faire ou de concurrence déloyale, spécialités de la Chine voisine.

Les entrepreneurs Sud-Coréens peuvent faire sous-traiter ou monter des filiales dans cette "zone franche", généralement pour réaliser des opérations à basses valeurs ajoutées car l'embargo empêche tout transfert de technologie vers le Nord.
En effet, les travailleurs Nord-Coréens sont "payés" 4 fois moins que le salaire minimal Chinois (soit moins de 75$/mois). De plus, les salaires sont versés directement au Régime. Il va de soi que l'activité syndicale est assez "réduite".

Certain analystes pensent que les industries de Kaesong donnaient un peu trop d'idées aux travailleurs et aux cadres Nord-Coréens, qui par le contact avec les cadres Sud-Coréens, voyaient que leur Régime vit sur un mensonge permanent, et que la fermeture brutale était un moyen pour Kim-Jong Un d'asseoir son autorité tout en faisant discrètement le ménage, même si pour cela il privait son pays de ressources précieuses...

Aujourd'hui, la situation est toujours au point mort, le régime Nord-Coréen semblant hésiter entre montrer sa force et ses missiles balistiques et sa propre survie financière.

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