Même si je poste mes messages à une date particulière
(celles de mes visites et non du jour de publication), les 2 prochains messages
feront écho à une actualité très récente en Corée : l'arrêt des négociations
avec la Corée du Nord pour cause de rodomontades du nouveau dictateur, et la
célébration en grande pompe du 60ème anniversaire de l'armistice entre la Corée
du Sud et la Corée du Nord.
Afin d'y voir un peu plus clair, il est important de
raconter l'histoire de la Guerre de Corée, qui de 1950 à 1953 déchira la péninsule et
fut de fait le plus gros conflit "direct" de la Guerre Froide entre le
bloc de l'Est et les Occidentaux.
Le conflit prend ses racines dans la Seconde Guerre Mondiale
: L'ensemble de la Corée est alors une colonie Japonaise, de même que la
Mandchourie Chinoise plus au Nord et à l'Ouest.
La présence Japonaise est d'une violence effroyable, tant
pour les Coréens réduits en quasi-esclavage, que pour les Chinois de
Mandchourie qui subissent un quasi-génocide.
Un certain nombre de groupe de résistance communistes
s'organisent, en particulier sous l'influence du Parti Communiste Chinois de
Mao, tant en Mandchourie qu'en Corée.
Parmi les membres Coréens, un certain Kim Song-Ju, lui même
fils de militant indépendantiste, arrive à réaliser quelques faits d'armes
remarquables contre l'occupation Japonaise
en 1940 . Il prend alors le nom de Kim Il Sung.
Les Japonais lancent alors une campagne de
"nettoyage" des groupes de résistances, à laquelle Kim Il Sung sera
un des rares à échapper. Il se réfugie alors en Union Soviétique pour y
parfaire son "éducation", à la fois militaire et idéologique, et
devenir un dirigeant potentiel en cas de victoire.
Techniquement, le Japon et l'URSS n'étaient pas en guerre,
l'un comme l'autre voulaient éviter un conflit trop lourd et stratégiquement
peu opportun. Ils avaient d'ailleurs signé un traité de neutralité réciproque
en 1941.
A la conférence de Yalta, Staline s'était cependant engagé à
entrer en guerre contre le Japon peu après la capitulation de l'Allemagne, qui
apparaissait déjà inéluctable. De même, il fut déjà décidé que la péninsule
Coréenne serait "coupée" sur le 38ème parallèle, l'URSS y
stationnerait au Nord, les USA au Sud, et que le pays serait géré conjointement
jusqu'à la tenue d'élections libres et démocratiques.
le 9 Aout 1945, 3 mois après la capitulation de l'Allemagne,
Staline remplit son engagement, et comme prévu, déclara la guerre au Japon,
tout en déplaçant une partie de l'Armée Rouge en Sibérie Orientale, et repris
rapidement le contrôle d'une partie de la Mandchourie Chinoise et de la
Péninsule Coréenne, tandis que les Américains débarquèrent au Sud. L’armée
Japonaise avait de toute façon déjà largement vidé les lieux, et les
bombardements nucléaires de Hiroshima puis de Nagasaki mirent un terme
définitif à la Seconde Guerre Mondiale.
En Janvier 1946, des élections furent organisées par l'ONU
nouvellement créée, mais elles furent immédiatement boycottées par les
différents mouvements communistes et nationalistes, qui y voyaient une invasion
Américaine.
L'URSS plaça "naturellement" à la tête du mouvement
communiste un des rares cadre Coréen du Parti ayant activement participé à la
résistance antijaponaise, et totalement dévoué à Staline : Kim Il Sung.
Kim-Il Sung obtint de l'URSS et de Staline une très large
liberté d'action quant à la gestion du parti, et de facto de la partie Nord du
pays, et demanda à Staline de retirer ses troupes . Dès cette époque, Kim-il
Sung songeait déjà à réunir par la force la Corée, et demanda à Staline son
appui. Staline n'y était pas favorable,
en raison de la désorganisation de la nouvelle armée Nord-Coréenne, et de la
réaction potentielle des États Unis qui disposaient de l'arme atomique.
Dès 1946, les premières frictions apparurent entre le Sud et
le Nord sur la gestion du pays, chacun se réclamant de l'unification du pays.
Cette situation s'accompagnait de mouvements de population et de violences à la
frontière, le Sud et le Nord s'accusant mutuellement de provocations et
d'actions de guérilla.
En 1949, Kim-Il Sung réitéra son projet d'invasion à Staline
et Mao. Cette fois, Kim-Il Sung put argumenter sur le fait que l'Armée
Sud-Coréenne était elle même très faible, tant en organisation qu'en effectifs,
et que les Américains n'auraient pas le temps de réagir, alors que le Nord s'était
réorganisé nettement plus vite avec la conscription forcée.
L'URSS ayant obtenu la bombe atomique, Staline ne craignait
plus les représailles américaines. Devant l'insistance tenace de Kim-Il Sung, l'URSS
équipa et forma secrètement l'Armée Nord-Coréenne avec des conseillers
militaires, des armes légères, une très puissante artillerie, des avions de
combat à réaction et surtout plusieurs centaines de chars T34 issus du
front de l'Est.
Le 25 Juin 1950, l'Armée Nord Coréenne passa à l'action, et
déborda totalement l'Armée Sud-Coréenne, désorganisée et sous équipée. En
particulier, l'Armée Sud-Coréenne n'avait que quelques pièces d'artillerie, pas
de DCA et surtout pas d'armement antichar.
L'assaut, extrêmement rapide, permit à l'Armée Nord Coréenne
d'envahir presque toute la Péninsule en moins de 2 mois, l'Armée Sud Coréenne
et les quelques divisions légères Américaines
s'étant repliées sur une petite portion du Sud Est de la Péninsule, vers la ville de Pusan
Les Américains, eux aussi pris au dépourvu, considérèrent
qu'il s'agissait d'une agression, rappelèrent immédiatement le Général
Douglas McArthur, héros du Front Pacifique et principal artisan de la défaite du Japon,
pour commander et coordonner la contre-attaque.
Quand la démocratie Américaine fait cette gueule-là, c'est que ça va chier....
Aidée de nombreux corps expéditionnaires venus du monde
entier (Angleterre, Commonwealth, France, Turquie, mais aussi Inde), les
Américains lancèrent à la fois une gigantesque contre-attaque terrestre dans le
Sud Est, ainsi qu'une opération amphibie à Incheon, de facto le port de Séoul,
pour prendre l'Armée Nord Coréenne à revers.
Les Américains et les Alliés dépêchèrent leur armement le
plus récent (chasseurs à réaction, tanks lourds) et leurs meilleurs éléments de
commandement issus de la Seconde Guerre Mondiale, qui balayèrent très
rapidement le matériel obsolète Nord-Coréen.
Kim-Il Sung ne s'attendait pas à un tel retournement de
situation, et l'Armée Nord-Coréenne subit alors
défaite sur défaite et replis sur replis. Les forces des Nations Unies
atteignirent rapidement à nouveau le 38ème parallèle.
Pendant ce temps, Kim Il Sung négocia en secret une
intervention militaire Chinoise. Mao accepta d'intervenir, à condition que les
Américains dépassent eux-mêmes le 38ème parallèle.
Dès l'automne 1950, les Alliés et les Sud Coréens
atteignirent la frontière chinoise.
Cependant ce temps, Mao fit déplacer secrètement une bonne
partie de l'Armée Populaire Chinoise, composée de 54 divisions et 270 000
hommes, suivie de presque 1 000 000 d'hommes, soi-disant "volontaires".
Fin Octobre 1950, les Chinois pénétrèrent en masse sur le
territoire Coréen, de nuit et selon des méthodes de guérilla. Bien que
techniquement très inférieure aux forces
Alliées, l'Armée Chinoise déborda à nouveau ses adversaires par le nombre en se
glissant dans chaque passage laissé libre, et ne combattait que de nuit.
De plus, les Nord-Coréens et Chinois obtinrent de l'URSS le
soutien aérien des tout nouveaux MiG-15, premier chasseur à réaction soviétique,
supérieur à toute la production occidentale , et pilotés secrètement par les meilleurs
pilotes soviétiques.
Les Américains répliquèrent avec le F-86 Sabre, allié à des pilotes très expérimentés, qui permirent malgré tout aux USA de garder la supériorité aérienne, bien qu'âprement disputée, les pilotes alliés n'ayant pas eu l'autorisation de poursuivre les MiG jusqu'à leurs bases chinoises.
Les Chinois et Nord-Coréens repoussèrent les Alliés jusqu'au
Sud de Séoul, les 2 camps subissant lourdes pertes.
Les Alliés se réorganisèrent malgré tout rapidement, et
purent passer à une contre-contre-contre offensive. les pertes furent
particulièrement lourdes pour les Chinois, où presque 1 million d'hommes
furent perdus lors de l'invasion.
La ligne de front se re-stabilisa au printemps 1951 autour du
38ème parallèle, et malgré de violents combat, aucun des 2 belligérants ne
gagnant ou perdit significativement du terrain.
2 éléments poussèrent vers un arrêt du conflit :
- la révocation du Général McArthur en 1951 sur la gestion du
conflit avec l'administration Américaine, qui avait ouvertement proposé d'entrer
en guerre contre la Chine, et d'utiliser l'arme nucléaire sur Pékin,
- la mort de Staline en 1953 côté Soviétique, qui permit au
officiels soviétiques de proposer à tout les belligérants une résolution de
"Status Quo Ante Bellum"
En 1953, après une diminution régulière des attaques /
contre-attaques sur le front, l'armistice fut enfin signée entre les 2 Corées.
La frontière fut choisie comme la ligne de front à ce moment,
très proche du 38ème parallèle d'avant la guerre. Cette frontière s'accompagne
de part et d'autre d'une DMZ (zone démilitarisée) de 4 kilomètres de large.
Etant donné qu'il n'y a eu ni victoire ni capitulation d'un
côté ou de l'autre, les 2 Corées sont toujours techniquement en guerre, 60 ans
après l'armistice.
Au total, les Sud Coréens, Américains et Alliés perdirent
plus de 450 000 hommes (Civils & militaires), le Nord, la Chine et l'URSS presque
1 200 000 (les estimations varient énormément, les chiffres chinois étant
encore secrets), avec 40% du potentiel industriel Coréen détruit de part et d'autre, et au total plus de 2 millions de victimes civiles Coréennes
Après la guerre, chaque Corée évolua de son côté, le Nord
évolua vers l'effroyable dictature Stalinienne de Kim - Il Sung puis de sa
progéniture, le Sud dût subir une dictature militaire jusqu'aux années 70,
époque de la démocratisation et du décollage économique du pays.
Jusque récemment, les historiens s'écharpaient sur les
responsabilités réelles de ce conflit. Même les intellectuels Français
(notamment Sartre...), jugeaient à l'époque que les Américains et la Droite
Sud-Coréenne portaient une grande part de responsabilité dans l'état de
guérilla d'avant conflit. D'autres attribuaient l'entière responsabilité à
Staline pour étendre son influence sur Mao, etc...
L'ouverture récente des archives soviétiques et le
recoupement des informations avec la Chine moderne a notamment démontré que ce
conflit avait été entièrement préparé et provoqué par le dictateur Nord-Coréen
Kim Il Sung, et que les responsabilités des Américains, des Chinois et même des
Soviétiques étaient très limitées.
Aujourd'hui, les 2 Corées se regardent encore en chiens de faïences,
à travers la fameuse "DMZ" (zone démilitarisée), devenue de fait la
plus militarisée au monde, avec des accrochages, des tirs de semonce et des
raids commandos réguliers au cours des 60 dernières années.
La dernière en date est évidemment la construction de l'arme
nucléaire par le Nord, et les "tests" de missiles balistiques.
Même si des projets de réunification ont été et sont
toujours proposés, le côté totalement imprévisible de la famille
"Kim" et le retard économique de la Corée du Nord font que les jeunes
générations Sud-Coréens préfèreraient ne jamais avoir à supporter le fardeau d'une réunification,
pas plus que la Chine ou le Japon voisins, qui verraient d'un mauvais œil une
Corée réunifiée et économiquement et militairement puissante.
Quant au nouveau dictateur Nord-Coréen....
Merci pour cet article !
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