jeudi 9 mai 2013

Les voies de communications et la logistique à l’Australienne et : Think it Big !

Je profite de mon « flottement » à Perth pour écrire sur un sujet pas très glamour il est vrai, mais très important et symbolique dans un pays aussi vaste : les secteurs de la logistique et du poids-lourd

Au passage, je salue mes anciens collègues, qui travaillent parfois pour un célèbre fabricant de poids-lourd et/ou participent à des recherches sur la logistique urbaine, et qui seront très intéressés par ce message. 

Types de routes :

Assez logiquement, dans un pays aussi vaste et peu dense, les reseaux routiers deviennent rares au fur et a mesure que l'on s'eloigne des villes :


Il y a globalement 4 types de route en Australie :

- Les motorways, freeways ou expressways : ce sont les autoroutes à chaussées séparées, gratuites la plupart du temps, payantes dans Brisbane et Sydney (et dont le système de paiement est totalement illogique).
Une fois sorti des villes principales et de leurs banlieues, elles sont assez peu développées. A titre d’exemple, sur la côte Est entre le Queensland et le Nord du New South Wales, la partie « Autoroute » va de la Noosa sur la Sunshine Coast à Byron Bay, au-delà, la route revient en Nationale.

- Les Highways : la plupart des routes, l’équivalent des Nationales, qui relient les villes. En général, 2 voies sur une même chaussée, avec des zones larges disposées régulièrement pour doubler.

Ces routes peuvent être aussi bien des billards que des champs de bosses (dues au passage des camions). C’est sur ces routes que se fait l'essentiel du transport routier Australien

- Les Minor Roads (routes secondaires) : alors là, ça devient l’aventure : certaines peuvent faire plusieurs centaines de km de long, et foncent à travers la campagne. Il n’y a aucune garantie pour savoir si ce type de route est goudronné ou pas, ou si il y a des stations essences le long du chemin. Mieux vaut se préparer !
- Les « tracks », « stock ways » et autres chemins : Là, on touche vraiment l’immensité Australienne et le mythe de l’Outback : Il s’agit de chemins parmi les plus « durs », car totalement isolés, parfois interminables, quasiment sans relais. Ces routes ont été créées pour accéder aux immenses « stations » de bétail de l’Outback ou aux mines. L’accès est exclusivement réservé aux 4x4, et les rangers vérifient votre équipement avant de partir (Il faut par exemple 2 roues de secours, 2 jerrycan pleins, un stock minimal d’eau potable, une radio longue portée, etc.… pour entrer sur certaines)
On retrouve ici des « routes » mythiques que sont la « Canning Stock Route » 1900 km traversant les Déserts de Sandy et de Gibson, le "GunBarrel Track" reliant Cooktown au Nord du Queensland au « Top End » (600 km faite de terre, de passage boueux, de traversées de rivières remplies de crocos), etc…


Histoire de la logistique Australienne et faiblesse des voies ferrées

Sans surprise, le transport de marchandise à travers le pays a toujours été un défi pour l’Australie : les distances interminables, la chaleur, l’absence d’eau et la faible densité de population font qu’il n’est pas rentable d’investir des sommes astronomiques pour la création d’une route ou d’une voie ferrée entre 2 points.

De plus, l’Australie n’ayant jamais connue de véritable Révolution Industrielle (ni de politique d’aménagement du territoire cohérente), les réseaux de voies ferrées (même sur la côte Est) étaient souvent incompatibles (écartements de rails différents), et dépendaient d’opérateurs privés aux intérêts divergents, qui favorisaient évidemment les chemins les plus rentables à court terme.

Malgré tout, le pays a réussi à uniformiser son réseau de chemin de fer, et toutes les villes aujourd’hui sont reliées. Citons notamment la ville de Perth et la Western Australia, qui avait « négocié » son entrée dans l’Etat Fédéral Australien en échange de la construction des 3000 km de voie ferrée entre Adélaïde et Norseman, à travers le Nullarbor.

Aujourd’hui, l’Australie compte environ 41 000 km de voie ferrées, ce qui est extrêmement peu comparé à l’étendue du territoire (les USA ne comptent pas moins de 250 000 km de réseau à surface comparable)

Il est tout à fait possible aujourd’hui de voyager en train en Australie, des tickets spéciaux sont à la destination des touristes qui souhaitent s’arrêter quelques jours dans certaines destinations (Alice Springs, etc.…). Par contre, les tarifs sont totalement délirants, de l’ordre de 4 fois un billet d’avion….

A la différence de la France où les réseaux / infrastructures sont fortement favorables au transport de passagers (et aussi en raison de la tristement célèbre nullité du Fret SNCF…) les voies ferrées Australiennes historiques ont d’abord été construites pour le transport de minerais, ainsi il n’est pas rare à Brisbane ou ailleurs que les trains de banlieue cède la priorité à un immense convoi de charbon de 3-4 kilomètres.

Des lignes entièrement privées (et totalement séparées du reste du réseau) sont toujours en activité pour les activités minières, notamment dans le Pilbara (mines de fer) et les territoires du Nord (Mines d’or)
La ligne de train du Pilbara ( 2000 km au Nord de Perth) est un des plus long réseau de chemin de fer entièrement privé et financé comme tel au monde. La ligne dessert les mines de fer géantes de la région, appartenant pourtant à des sociétés différentes (Rio Tinto, Nippon Steel, Sumimoto)
Entre-temps, le transport de marchandises classiques s’est majoritairement reporté sur les poids-lourds, et en particulier les fameux Road-Trains.

A noter la curieuse sous-utilisation du conteneur maritime : à de rares exceptions, les remorques sont essentiellement des convois bâchés comme en Europe.

Marques et modèles de vehicles utilitaires et poids lourds

J’avais parlé du marché automobile Australien dans un de mes précédents messages :

Maintenant, on va parler de ce avec quoi les voitures particulières partagent les routes Australiennes : les utilitaires, les camions et les fameux Road Trains !

A l’image du marché automobile, le marché des poids-lourds Australien est assez équilibré entre les constructeurs Américains, Européens et Japonais.
Petit florilège, du plus léger au plus « Lourd » :

- Dans la catégorie utilitaires légers (<3.5T de PTAC), le marché se scinde en 2 catégories :
     - Les minivans japonais (Toyota Liteace, Mitsubishi Starwagon, Mazda E2000etc…) : typiquement japonais, avec le moteur sous le siège conducteur et propulsion, utilisé par tous les corps de métiers dans les villes. C'est rigolo à conduire, ça braque bien mais faut rien demander côté confort ou performances
Les Européens commencent à peine à se réveiller, mais les utilitaires type Renault Master, Mercedes Sprinter, etc...  semblent avoir un grand succès, principalement en raison d’un volume de chargement plus favorable que les minivans.
     
    - Les autres utilitaires légers sont les Pick-up japonais type Isuzu D-max, Toyota HiLux, Mitsubishi Triton, Nissan Navara, etc.…
Il est aussi autorisé de placer une de ces barres à l'avant, pour faciliter le transport d'objets longs.

Les artisans les préfèrent car leur châssis/transmission 4x4 leur permet d’atteindre n’importe quel client ou chantier. De plus, la météo étant clémente et la criminalité très basse, ils sont très rarement couverts, les outils étant facilement accessible dans la benne.
Notons que les énormes pick-up américains type Doge Ram, Chevrolet Silverado sont très rares (seul le Ford F-250 (qui est déjà un monstre en soit) a bénéficié d’une véritable diffusion))
Ah ! l'art du design automobile à l'Australienne ! 
 
 
- Côté « Livraison » et « Journalier », entre 3.5 et 16T de CU, les modèles japonais dominent, en particulier la marque « Hino » inconnue en Europe (Division poids-lourd de Toyota), « Fuso » (Division Poids-lourd de Mitsubishi). Nissan Diesel et Isuzu.


On retrouve cependant les Renault Trucks Premium, ici badgés Volvo ou Mack.

- Les moyen routiers et long routiers sont trustés par les Européens, en particulier les groupes Volvo (Volvo Trucks, Renault Trucks, Mack), Scania et MAN. Les suédois et les allemands sont aidés ici par leur diaspora importante.
Toutes les autres marques sont représentées sur ce créneau, Iveco, Mercedes, Kenworth, Western Star etc...
A noter une différence importante de conception : en Europe, les tracteurs (le camion sans la remorque) ont généralement un seul essieu moteur (pour des raisons de maniabilité et d’encombrement), alors qu’en Australie, tous les camions ont 2 essieux moteurs (pour des questions de traction et de répartition du poids sans doute)

De plus, on commence à voir des tracteurs équipés de 2 essieux directionnels et de 2 essieux moteurs (soit 4 essieux et…16 roues, sans compter la ou les remorques…)

Il faut signaler un point de législation essentiel avant d’aller plus loin : en Europe, la longueur d’un poids – lourd standard est limitée à 18 mètres tout compris (avant de la cabine jusqu’aux feux de la remorque), et 4m 30 en hauteur (bien que l’usage veuille qu’on ne dépasse pas les 4 mètres)

En Australie, la longueur est de 18m50 pour la remorque seulement (la cabine n’est pas comptée, et peut faire dans les 6 mètres en plus de la remorque), et la hauteur usuelle dépasse allègrement les 4m30, atteignant parfois 5 mètres de haut. La longueur est telle que les remorques sont généralement scindées en 2 avec un convoi articulé, ce qui fait souvent passer ces convois pour des Road – Trains :


Ceci n'est pas un Road train, mais un "Long Vehicle" (B-Double). la "petite" remorque possede une seconde sellette sur laquelle vient se fixer une remorque classique.
Ce type de configuration est la plus répandue en Australie .

Cette configuration de poids-lourd (60 Tonnes) est en discussion au niveau de l'Union Européenne, sous la dénomination de "méga - camion " (que les écolos dénoncent avec véhémence, mais vu d'ici ils ne sont pas plus dangereux que des camions classiques.)

Petit exercice pour mes ex-collègues :

Combien de « rolls » de supermarché peut-on ranger dans un seul convoi routier Australien, sachant que la hauteur autorisée est de 5 mètres de haut, la largeur est identique  et que le convoi comporte une remorque de 13.5 m et une remorque de 7 m ?
Bonus : Sachant que le coût horaire du chauffeur est 2 fois plus élevé qu’en France charges comprises, qu’il n’y a pas de péages et que le Gasoil est 20% moins cher et que l'age du Capitaine est de 57 ans, Estimez le point de rentabilité d’une plateforme logistique en plein milieu de l'Outback, à 1000 km de la première ville ;-)


Les Road Trains : "LE" Symbole des routes Australiennes !

Le pare buffle est aussi efficace contre les écologistes sauvages qui traverserait la route sans prévenir ^^
Au-delà de ces dimensions, déjà grandes pour un Européen, on entre dans la catégorie des  « véritables » Road Trains. Il s’agit ici de la logistique la plus « lourde » : transporter 150 Tonnes de marchandises d’une extrémité du pays à l’autre en moins de 4 jours, aller chercher un troupeau entier de bétail au fin fond de l’Outback, amener 300 tonnes de minerais à la gare la plus proche, etc.…

Les configurations des remorques peuvent varier :
 
Les Road trains "standards" peuvent avoir une longueur comprise entre 30 et 57 (!) mètres de long hors cabine, selon la configuration des remorques. Au delà, il faut des autorisations spéciales pour circuler.
 
Il est très commun à la campagne, près des ports ou dans le Bush de croiser des « 3 remorques », dont la longueur dépasse allègrement les 50 mètres, et si il s’agit d’un convoi de bétail, les remorques dépassent les 4.5m de haut.
 Il trimballent tout et n'importe quoi, des cargaisons de minerais, des céréales, du bétail, du matériel agricole :

Comme n’importe quel autre véhicule, les Road Trains sont autorisés à rouler à 100 km/h, et aussi à circuler la nuit avec leurs méga-feux additionnels. Avec une charge qui dépasse souvent les 150 Tonnes, il leur est impossible de freiner ou de ralentir rapidement, et doivent communiquer par radio avant de… se doubler… (Car oui, ils doublent et ne font pas semblant !)
Quand on les voit arriver dans le rétro, la sagesse veut de se ranger sur le bas-côté pour les laisser passer.

Ils sont en réalité quasiment inexistants à moins de 100 km des centres ville, car totalement inappropriés à la circulation, et de fait, interdits en dehors de routes spécifiques (pour la desserte d'un port ou une zone industrielle par exemple)
Leur immatriculation diffère aussi : Ils portent des plaques « Interstate », non reliées à un Etat en particulier.

Pour les road trains, les 2 constructeurs de camion favoris des Australiens sont Kenworth (USA) et Western Star (Propriété de Daimler Benz)
A cette échelle, les charges deviennent tellement importantes que ces monstres requièrent des châssis, réservoirs et des boites de vitesses particulières.


Notez au passage le nombre de réservoirs (800 à 1500 L) et les prises d'air au dessus, sensées diminuer la quantité de poussière absorbée par les filtres sur les pistes


Pour des raisons de résistance mécaniques et de grandes variations de charge et d’efforts (je laisse aux spécialistes (Joel ?) les explications pour cela), les Road-trains ont toujours une boite de vitesse (2x9 vitesses avant, 3 en marche arrière…) à engrenages droits sans synchros ! (je vous laisse imaginer le bruit…).
Il existe un permis de conduire spécifique pour ces véhicules, car il faut parfaitement maîtriser la technique du double débrayage, sur une boite à 2x9 vitesses, et qui dispose (en plus !) d’un frein d’embrayage à la manipulation très particulière (cf double debrayage)
Cependant, les constructeurs Européens se sont décidés à proposer leurs modèles à cabine avancées pour les Road-train «  routiers ».


L'avantage, c'est que la cabine avancée permet dans cet exemple de "loger" un autre essieu derrière la cabine, et d'améliorer la répartition du poids et, selon qu'il soit moteur ou directeur, la traction ou la maniabilité

Mais la véritable utilité d’un Road Train (outre garantir du travail aux fabricants de pare-prise…), c’est d’être capable d’aller chercher / d’amener une cargaison en une seule fois sur des centaines de kilomètres sur une piste complètement pourrie, dans des conditions abominables (chaleur, pistes inondées, boue, champs de nids de poule).


Les conducteurs sont ainsi surnommé les "Dirt Road Truckers"

et au-delà des Road Trains.... les "Over Size" ! (quand un Aussie vous parle d'Oversize, c'est que c'est VRAIMENT gros !)



 

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